Mon expérience personnelle. |
b) La passe en arrière et le démarquage.
Dans cette partie, je mettrai en regard, d’une part l’unité d’apprentissage (U.A.) telle que je l’avais prévue, et d’autre part celle que j’ai effectivement réalisée pendant le stage.
1) La séance découverte : les représentations des élèves et l’évaluation diagnostic.
Cette première séance était très importante : il ne fallait pas rebuter les enfants dans l’approche de cette nouvelle activité.
Elle n’avait pas tout à fait la structure d’une séance type décrite précédemment.
La phase orale a été assez longue, environ 25 minutes, car elle avait pour but de faire émerger les représentations des élèves et de présenter les règles minimums.
En début de séance, j’ai donc posé la question : « La Balle Ovale : à quoi cela vous fait-il penser ? ». Les premières réflexions furent d’ordre affectif : « ça fait mal », « c’est salissant », « c’est violent », …J’ai accueilli toutes ces propositions sans donner mon avis ni guider les réponses. Ensuite vinrent les propositions de règles. La passe en arrière était connue, mais difficilement explicable : certains pensaient qu’elle se faisait simplement derrière soi tandis que d’autres savaient qu’elle se faisait entre le porteur de balle et sa ligne de but.
Cela a été l’occasion d’expliquer ces règles minimums :
- les consignes de fonctionnement : le but à atteindre, la passe en arrière, les limites du terrain,
- les consignes de sécurité : interdiction absolue de plaquer le porteur de balle au-dessus des épaules.
Je me suis servi de schémas au tableau pour les illustrer.
Après cette phase de réflexion sur l’activité, je les ai placés en situation de jeu réel.
Pour moi, c’était une évaluation première des compétences des enfants, en vue des différentes activités de remédiation à mettre en place ultérieurement pour résoudre les problèmes.
Terrain de 30 x 20 mètres, en herbe.
Matériel : 2 jeux de maillots, plots pour délimiter le terrain, un ballon ovale.
Cette mise en place fut assez laborieuse : il y a eu beaucoup d’en-avant, ce qui a provoqué un jeu « haché » par les coups de sifflet.
Deux raisons à cela :
- une raison cognitive : certains enfants n’ont pas compris le sens de la passe en arrière (expliqué en classe). Une simple explication en action, c’est-à-dire en joignant le geste à la parole, de la part d’un élève qui l’avait assimilée a résolu cette difficulté. Et à mon grand étonnement, il n’y a quasiment plus eu d’en-avant jusqu’à la fin de l’unité d’apprentissage,
- une raison motrice : cela relevait directement de la manipulation de balle et représentait la grande part des en-avant. Donc un point à travailler.
En outre, la première partie de l’U.A. portait sur la dédramatisation du contact.
J’ai pu constater que les enfants, et plus particulièrement les garçons, n’avaient aucune appréhension sur ce point, que ce soit dans des rôles de défense ou d’attaque.
En ce qui concerne le jeu collectif, les joueurs évoluaient surtout en « grappe » : c’est le stade normal pour des débutants.
Enfin, une mise au point importante a été faite en ce qui concerne l’arbitrage : il faut accepter et respecter les décisions de l’arbitre, même s’il se trompe.
Au terme de cette première séance, j’ai pu dresser le bilan suivant :
- il faut modifier la progression de l’U.A., car les enfants n’ont pas peur du contact physique, cette première partie est donc annulée,
- la passe en arrière est à peu près acquise, elle s’intègrera lors des séances suivantes,
- des activités de manipulations de balle sont indispensables pour pallier leurs difficultés dans ce domaine,
- la motivation des enfants a été importante, en classe et sur le terrain, bien que le jeu ait été très perturbé par l’arbitrage.
Comme le sens de la passe en arrière était assimilé, j’ai pu me concentrer presque exclusivement sur l’aspect technique de la passe : le lancer et le rattraper.
Parmi les quelques jeux traditionnels permettant d’atteindre cet objectif, je me suis notamment appuyé sur un jeu traditionnel dans lequel la passe était un moyen pour atteindre un but collectif : l’horloge.
Matériel : deux ballons.
Terrain de 20 x 15 mètres.
La classe est divisée en deux équipes. L’une se met en colonne, l’autre en cercle (avec environ quatre pas entre chaque joueur). Au signal de départ, l’équipe en cercle fait le maximum de passes (les heures), sans sauter de joueurs. Dans le même temps, l’équipe en colonne effectue une course-relais autour du cercle : le joueur court avec la balle puis la passe au joueur suivant, qui à son tour fait la même chose. La partie se termine lorsque le dernier joueur de la colonne a passé sa balle au premier coureur. On inverse ensuite les rôles. L’équipe gagnante est celle dont l’horloge a marqué le plus grand nombre d’heures.
Lors de la première séance, j’ai eu à faire face à des problèmes de délimitation de la zone de jeu. En effet, je n’avais pas matérialisé concrètement le point de départ des relayeurs (), je les avais placés sur la ligne d’en-but du terrain. Comme le gain de la partie était essentiel pour ceux-ci, le premier joueur de la colonne s’avançait petit à petit vers l’horloge afin qu’il y ait moins de chemin à parcourir.
Le même problème s’est posé avec l’horloge pour laquelle j’avais simplement posé un plot en son centre : son diamètre diminuait pendant le déroulement du jeu. Pour corriger cela, j’ai par la suite imposé un plot pour les coureurs et un plot par « heures ».
Les enfants ont profité de la même manière d’une lacune dans l’exposé des règles : pour accélérer le mouvement du ballon, un passeur de l’horloge se permettait de « sauter » son voisin immédiat, ce qui entraînait des protestations immédiates de la part des adversaires. Après un commun accord, la règle préalable fut acceptée à l’unanimité.
Lors de la troisième séance, j’ai entravé le passage de la balle entre deux relayeurs consécutifs : au lieu de la transmettre de la main à la main, le porteur de balle devait faire une passe à partir du plot (a)
Quant à l’objectif visé, ce jeu s’est avéré assez efficace puisque j’ai constaté des progrès au cours des séances suivantes : les passes sont devenues plus rapides et plus précises. Cette amélioration ne s’est pas faite sans un rappel du geste de lancer / réception. J’ai insisté sur la décomposition du mouvement : avant de passer, le lanceur regarde le destinataire, le vise et effectue son geste ; quant au receveur, il regarde également son vis-à-vis, tend les bras et accueille la balle. Et pour une efficacité plus grande, lancer le ballon horizontalement à hauteur du ventre : le ballon arrive plus vite au partenaire et c’est plus facile pour lui de le bloquer. (photo)
b) La passe en arrière et le démarquage.
En plus de l’aspect technique de la passe, il fallait lui donner du sens : pourquoi fait-on une passe ? Les élèves, à qui j’ai posé la question en classe, m’ont donné les réponses que j’attendais : « quand on est pris ou qu’on va se faire prendre, on la passe à un partenaire qui est tout seul ».
Et malgré une gestion assez difficile des élèves, j’ai essayé de mettre en place un fonctionnement en ateliers.
Groupes de cinq élèves. Terrains de 15 x 8 mètres environ.
Matériel : 1 ballon par groupe.
Pour travailler le démarquage, je me suis basé sur une situation dans laquelle l’équipe attaquante est en surplus numérique (ici 3 contre 2). Les attaquants (qui ont le ballon) et les défenseurs sont sur leur ligne de but respective. Au signal, le jeu commence, les attaquants doivent marquer à tout prix. Il s’arrête lorsque les attaquants ont marqué, ou quand les défenseurs ont arraché la balle ou bloqué leur progression. Faire trois fois le jeu puis inverser les rôles (faire tourner les joueurs).
Cette activité a eu des difficultés de fonctionnement, et ce pour les raisons suivantes :
- Sur le plan de la gestion du groupe : bien que j’aie expliqué le jeu et son aménagement en classe et sur le terrain, sa mise en œuvre a été difficile. La dispersion des groupes sur tout le terrain et l’agitation des enfants ont énormément compliqué mon rôle d’animateur. De plus mon rôle d’arbitre sur tous les ateliers s’est avéré impossible à tenir : j’aurais dû constituer moins de groupes et affecter à chacun d’entre eux un arbitre pour les laisser fonctionner en autonomie, bien que cela ne soit pas évident en raison de l’agitation des élèves. D’où la nécessité d’encadrer rigoureusement cette activité et de bien préparer les élèves à ce type de fonctionnement.
- Sur le plan du fonctionnement des ateliers : « faire tourner les joueurs dans les rôles d’attaquants et de défenseurs » n’a pas été totalement compris et respecté. J’ai tout de même fait une pause dans le déroulement du jeu pour réexpliquer ce point. Mais je n’ai pu qu’intervenir ponctuellement auprès des élèves qui voulaient toujours garder le même rôle.
- Sur le plan des objectifs visés : les attaquants n’ont quasiment pas utilisé l’avantage de leur surnombre. Le porteur de balle tentait souvent sa chance seul, en force (percussion) ou en finesse (évitement), sans tenir compte de ses partenaires. Et il ne pouvait donc pas franchir une défense numériquement supérieure. Des solutions étaient possibles : un terrain plus large aurait peut-être permis cette prise de conscience, obliger les défenseurs à défendre individuellement (mais cette situation ne peut être imposée en jeu réel). D’autre part, j’aurais du persévéré dans cette activité : en la faisant vivre plus longtemps et en mettant l’accent sur les différentes stratégies employées, les élèves auraient fini par utiliser le démarquage, provoqué par le surnombre offensif.
C'est l'une des dernières règles fondamentales à mettre en place : le porteur qui porte la balle doit la lâcher lorsqu'il a au moins un genou au sol.
Cette règle très simple a d'abord été abordée et expliquée en classe, puis introduite en situation réelle de jeu sans avoir été travaillée auparavant.
Le principal problème soulevé par les élèves a été : « comme je suis obligé de lâcher la balle quand je suis au sol, les adversaires en profitent pour ramasser le ballon ». Lors de la phase orale de la séance suivante, la solution trouvée prenait appui sur le soutien au porteur de balle : celui-ci, en tombant au sol, se retourne et libère la balle vers son camp, et les partenaires les plus proches protègent la balle en l’enjambant, un autre partenaire peut alors prolonger l’action.
Pour améliorer ces compétences, des activités en ateliers étaient possibles. Mais l’échec de la séance décrite précédemment m’a contraint à choisir une organisation collective :
Terrain normal (30 x 15 mètres environ).
La classe était divisée en deux équipes : les attaquants (qui ont le ballon et qui doivent marquer) et les défenseurs. Au signal, j’ai donné la balle à un attaquant qui doit percuter les défenseurs (sans chercher l’évitement) et tombe au sol. Les trois équipiers qui le suivent l’enjambent et repoussent les adversaires. Le suivant ramasse la balle et va à son tour percuter, avec un autre soutien. Et ainsi de suite jusqu’à la ligne d’essai. Les rôles permutent ensuite. La première fois, j’ai obligé la défense à ne pas disputer la balle et à seulement résister à l’impact physique, le temps que les automatismes de l’attaque se mettent en place. Puis dans un second temps, j’ai remis en place les règles habituelles de la balle ovale. Le jeu s’arrêtait quand l’avance était bloquée ou que le ballon était enterré.
Le bilan de cette séquence a été plus positif :
- les élèves étaient moins dispersés, car ils étaient sur la même aire de jeu et participaient tous à la même activité,
- la consigne était mieux comprise, les élèves savaient ce qu’ils devaient faire. De plus, j’étais présent sur le terrain pour guider et encourager ceux qui étaient désorientés (attaquants et défenseurs),
- cependant, ce type d’organisation n’a pas impliqué tous les enfants dans l’action : certains n’ont pas participé, soit parce qu’ils avaient peur de ce contact plus violent que d’habitude (qui était imposé par la consigne), soit parce qu’ils avaient des difficultés à s’imposer auprès de partenaires beaucoup plus actifs qui s’accaparaient tous les ballons. Cela prouve l'utilité des ateliers et du travail en groupe, qui permettent de mettre en place des activités différenciées en fonction des niveaux des élèves.
- quant à l’objectif de la séquence, il a été atteint malgré quelques difficultés de fonctionnement au début : notamment des ballons mal maîtrisés. De plus, je pense que l’acquisition de cette compétence a été facilitée par la prise de conscience effectuée oralement dans la classe.
En situation de jeu réel, une évolution amorcée lors des séances précédentes s’est confirmée : les attaquants cherchent maintenant à conserver le ballon durant le jeu. Les activités de jeu au sol ont permis d’améliorer cette protection (voir annexe), et de faire rebondir le jeu. Sur le terrain, cela a donné de très longues phases de jeu (jusqu’à deux minutes) comportant de vrais mouvements collectifs. Cela correspond également à une attitude plus réfléchie sur le jeu et à une décentration par rapport à soi-même au profit du collectif. Quelques exemples que je peux citer :
- avant une remise en jeu, les attaquants se réunissaient et mettaient au point une tactique,
- de même pour les défenseurs qui se mettaient d’accord pour une organisation : défense homme à homme, étalée sur la largeur du terrain ou se concentrant sur les joueurs dangereux. Une défense de deuxième rideau a même été mise en place,
- en attaque, le joueur plaqué (debout ou au sol) se retournait et offrait la balle à ses partenaires qui pouvaient poursuivre le jeu. (photo)
Ce fut donc ici une phase très importante dans l’unité d’apprentissage : l’aspect collectif pour atteindre un but commun a pris toute son importance.
4) Bilan général : l’unité d’apprentissage confronté à la réalité.
Il s’agit ici de faire la comparaison entre la progression prévue initialement et ce que j’ai pu mettre en place réellement.
L’évaluation-diagnostic était essentielle pour faire le point sur les pré-requis des élèves. Après cet examen, il s’est donc avéré que je ne pouvais pas poursuivre ma progression telle que je l’avais prévue :
- un travail sur la dédramatisation du contact n’était pas nécessaire pour la majorité des élèves,
- en revanche, des activités de manipulation de balle furent indispensables pour pallier leurs manques en ce domaine (ce qui m’a assez surpris au vu de leur assez bonne habileté motrice en général),
- la passe en arrière fut assimilée très rapidement.
Quant à l’aspect stratégique et collectif imposé par la contrainte de la passe en arrière (notamment le démarquage), la séquence prévue a été écourtée en raison de problèmes de gestion du groupe classe. Mais cela n’a pas ralenti la progression des élèves, car ils ont perçu l’efficacité du démarquage pour avancer en situation de jeu réel.
Enfin, l’interdiction du jeu au sol a entraîné une fluidité dans le jeu : comme le ballon n’était plus « enterré » dans les regroupements, cela a permis de faire vivre le jeu et a donné naissance à de réels mouvements collectifs (soutien, jeu déployé).